mardi 9 octobre 2007

Le projet

Le projet que j’entends proposer pour cette résidence à Douala est avant tout un processus. Il s’appuie d’avantage sur une démarche particulière et une envie de découverte que sur l’image d’un résultat. Comme un projet d’architecture, il sera le fruit d’une gestation in situ, et non une réponse préfabriquée et transposée en terre inconnue.

1) « Le bidonville »

Dans tous les projets que j’ai cités en référence, l’idée première est de tendre vers une architecture et un art adaptés à la réalité urbaine du monde d’aujourd’hui en y intégrant les notions de légèreté, de mobilité et d’extrême adaptabilité.
Les « bidonvilles », les « shanty towns », quartiers spontanés regroupant des populations pauvres dans des logements autoconstruits, répondent exactement aux mêmes préoccupations. Cette architecture, peut être non désirée, n’en est certainement pas moins vraie et elle représente à mes yeux la proposition la plus audacieuse et finalement la plus efficace de l’urbanisme contemporain.
Le premier travail que j’aimerais mener à Douala consiste en une observation minutieuse, un relevé attentionné des quartiers populaires autoconstruits.
Il s’agira pour moi d’apprendre l’intelligence simple de la construction, les méthodes d’occupation d’un espace vécu à 100%, les astuces de la récupération des matériaux, les nouvelles programmatiques du logement, les mécanismes sociaux, la place de l’individu et les rapports du public/privé.
Cette première phase de la démarche est délicate car elle me demande d’effectuer une intrusion dans un milieu dont je ne connais pas les codes.
Pour avoir tenté d’aborder un travail similaire à Bucarest, je sais qu’il n’est pas facile de déambuler librement dans ces quartiers denses et il me faudra sans aucun doute être accompagné, introduit par une personne référente et avertie.
Les relevés se feront par prises de croquis, d’images ou de sons, par observation et discussion, par rencontres.


2) « L’arbre à palabre »

« palabre : en Afrique, assemblée où se discutent les problèmes de la communauté.

Directement liée à la tradition orale, la palabre (ou Mbongui) est un acte social que le Camerounais (ainsi que la plupart des Africains) se doit de maîtriser autant qu'un art. La palabre joue un rôle important dans la vie sociale et se déroule le plus souvent sous un arbre à feuillage. Les Anciens du village se réunissent sous l'arbre à palabres lorsqu'il faut se consulter pour prendre une décision. Si un problème surgit dans le village, les réunions sous l'arbre sont annoncées au moyen d'un tam-tam ou un jour de marché, de sorte que tout le monde puisse participer à la discussion. Dans la vie quotidienne, et particulièrement dans les villes, tous les prétextes sont bons pour entamer des palabres. Ces discussions donnent lieu à des scènes épiques où chacun s'exprime haut et fort, prenant à témoin les personnes de passage ».

L’arbre à palabre représente pour moi la tradition perdue de nos villes occidentales, la place publique, l’endroit de la ville où l’on se rencontre, où l’on se confronte, où l’on s’exprime, où l’on échange.
L’arbre à palabre, c’est la possible compatibilité à Douala, de tant d’ethnies et de tant de religions différentes sur un même territoire.
L’arbre à palabre symbolise à la fois un programme, un espace et un abri.
L’arbre à palabre incarne ce moment du processus dans le déroulement de la résidence, où j’aurai établi, grâce à mes premières investigations, un lieu d’intervention, un programme et une méthode de construction.
A l’instar du travail remarquable de Salifou Lindou, mon projet est un projet urbain, de construction, plastique et architecturale, qui devra d’abord reconnaître sa place et son sens dans le contexte particulier du cœur de Douala.
L’arbre à palabre représente aussi le rêve d’aider à faire sortir de cette terre la manifestation concrète, bâtie, de l’entente et du dialogue entre les peuples.

3) « Le rêve »

(C’est un rêve parce que rien encore ne me permet d’en distinguer la netteté des contours, et que seul le rapport au sol pourra le faire devenir réalité).

Une graine de tôle est tombée dans la poussière rouge de la terre.
La saison des pluies l’a fait germer de rouille.
Un arbre métallique a maintenant poussé.
Fin mais puissant il a tissé ses racines et élancé ses branches pour fabriquer un réseau, un espace.
Un abri pour les hommes, un lieu de discussion et d’échanges, de réflexion et de méditation.
Une construction sans porte, toute ouverte sur le monde.
Ici, pas de courants d’airs, ni de querelles de clochers.
Ici c’est l’Afrique, terre des hommes libérés.
Déjà les ramures se sont recouvertes d’une floraison plastique.
L’émail et le verre cisèlent la lumière en des reflets bleutés.
Ils sont tous là, représentés.
Ils se tiennent debout sous l’arbre qu’ils ont planté.

Logistique.

-Pour mener à bien mon projet, j’aurais besoin, comme je l’ai dit plus haut, d’un véritable guide, qui puisse me diriger et m’expliquer, au moins dans le premiers temps de la résidence, les clés de la ville de Douala. Cette (ou ces) personne(s), me permettront notamment d’accéder aux quartiers autoconstruits dans de bonnes conditions pour y réaliser la première étape primordiale de mon travail. Durée : 2 à 3 semaines.
-Lorsque la phase dite « de l’arbre à palabre » sera venue, et qu’en accord avec l’équipe d’organisation nous aurons déterminé un lieu et une méthode de construction, la production commencera.
-La phase de construction pourra être collective, partagée avec la population ou avec d’autres artistes, et ce, en fonction des liens qui seront nés ou pas de la phase préparatoire.
-Mon matériau de prédilection est le métal, j’aimerai donc, dans la mesure du possible, pouvoir le travailler sur place ce qui signifie un minimum d’outillage (disqueuse, poste à souder à l’arc, pinces, marteaux). Cependant je suis conscient du fait que les conditions sur place ne permettent peut être pas de disposer d’un tel matériel. Aussi j’envisage parfaitement de travailler avec du bois ou n’importe quoi d’autre. Mon travail s’est depuis toujours adapté aux contraintes et à l’idée de récupération, j’ai adopté depuis longtemps la philosophie du ‘faire avec’.
- Dans le même ordre d’idée, je souhaiterai pouvoir utiliser la technique que j’ai élaborée pour la constitution de toile de vitrail en verre et silicone. Je dispose actuellement d’un important stock de verre de couleur bleue et de silicone de bonne qualité. Il ne me sera évidemment pas possible de transporter ce matériel dans l’avion, c’est pourquoi j’envisage, après discussion avec l’équipe d’accueil, de voir si il est possible de faire acheminer sur place 200 ou 300 kilos de matériel. Si tel était le cas, je pourrais également envisager de ramener mon propre outillage.
Encore une fois je prend en compte l’éventualité que rien de tout cela ne soit possible et donc de faire tout autrement.
Durée du chantier : 4 semaines.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

je viens palabrer un moment pour te dire mon admiration d' oser engager ce projet, tu as fort bien décortiqué les objectifs que tu comptes mettre en oeuvre pour construire avec les moyens du bord et surtout ce qui est essentiel comprendre les us et coutumes locales avant d'engager l'Aventure. Mes félicitations et mes encouragements accompagnent le mercenaire de l'architecture.Artiste Stasbourgeois? Je conteste,je dirais bâtisseur lorrain, et comme je suis un peu chauvin, pourquoi pas Lessylien, entre tous je préfères: citoyen du monde!nous avons aussi le droit de rêver. L'essentiel étant qu'aux travers de tes "rêves" biens réels ceux ci aboutissent. BRAVO. Michel FRANCOIS

Anonyme a dit…

hello fred,
je te souhaite un très bon voyage, prends le temps de découvrir le pays, les gens ... tu as un objectif mais laisse toi aussi surprendre, ça en vaut vraiment la peine. L'Afrique est un merveilleux pays d'odeurs, de rencontres, d'humilité... Profite en bien et pour cela il te faudra oublier ce que tu fais la bas, ne garde pas ton regard d'occidental.
bonne route.
see u

Anonyme a dit…

coucou Fred,
ca y est l'aventure commence!
Moi aussi je te souhaite un très bon voyage!Je suivrai avec intérêt ton quotidien,et le rythme de tes jour nées sous le ciel du Cameroun.
Bonne rouuuute.
Bises.
Cristine