mercredi 31 octobre 2007

Bande de margouillats !

"S'il vous plaît... dessine-moi un arbre...". Je pensais que cette demande allait susciter chez mes chers lecteurs un véritable cataclysme de réponses et me ferait pousser tout de go une forêt équatoriale dans ma boite mail. Je me préparais déjà à organiser une web exposition sur ce blog qui aurait rendu palpable la complicité et l'interaction entre vous et moi, bravant les distances et les différences au profit du partage communautariste global et de l'amour de l'art. Que nenni ! Mettons ça sur le dos de la triple difficulté technique qui consiste tout d'abord à dessiner (ce que les adultes prétextent volontier ne pas savoir faire), ensuite il faut trouver un scanner ou un appareil photo numérique (ce qui est vraiment difficile à trouver de nos jours), enfin il faut réussir à faire parvenir la chose jusqu'à moi et comme on ne peut pas intégrer d'images aux commentaires, il faut passer par mon adresse email (fredkeiff@free.fr), ce qui fait beaucoup de haies à enjamber pour un seul homme, j'en conviens. A l'instar du petit prince, et parce que comme lui je suis très sérieux, je reformulerai ma demande "S'il vous plaît... dessine-moi un arbre...",espérant que, à l'instar de St Ex, vous finirez par vous exécuter....

Parce que tout de même, si je fais le point sur vous, je vois déjà une ribambelle d'enfants, à commencer par les miens, qui ne demandent qu'un prétexte et un bout de crayon pour remplir des pages entières. Alors, et je m'adresse aux parents, mettez votre progéniture à contribution, pour qu'elle serve à quelque chose ou à quelqu'un au lieu de vous casser les oreilles, et puis tant que vous y êtes, partagez cet instant avec eux ce qui sera tout à fait pédagogique pour eux comme pour vous...euh...par pitié ne leur dites jamais : "c'est pas comme ça qu'on fait", ou "tiens ton crayon comme ça", prenez en plutôt de la graine.

Mais je sais que la cause des enfants est déjà acquise, passons...il y a aussi, parmi mes lecteurs, juste à côté de nos chérubins, un tonitruant troupeau d'artistes plus talentueux les uns que les autres, pour qui l'idée même de dessiner, de photographier, de peindre, ou que sais je...un arbre, ne peut qu'être pris comme un amuse bouche, une façon tout à fait délassante de commencer ou de terminer une arrassante journée, (ou nuit) de travail, non ? Alors réveil les artistes !

Il y a ensuite une autre catégorie que je tiens particulièrement dans mon coeur, et qui est grandement représentée ici...les architectes. Alors Messieurs, pardon, je sais que contrairement aux enfants et aux artistes, vous n'avez pas de temps à perdre, et que vos journées ne comptent pas assez d'heures face à la lourdeur et au sérieux de vos missions. Je sais très bien que vos agendas feraient passer Sarkozy pour un vacancier, il n'y a qu'à regarder nos paysages urbains pour s'en convaincre. Je sais aussi qu'il exyzt ici et là quelques collectifs, plus que débordés qui n'ont de cesse que de se battre au plus haut niveau pour faire avancer la question cruciale de l'Architecture avec un grand "A", et qui ne doivent pas bien comprendre où je veux en venir avec mon histoire d'arbre, d'africains et de palabres. Mais souffrez que je vous taquine, et tâchez tout au moins d'envisager l'intérêt spatial et structurel qu'il y a dans la conception et la réalisation d'un arbre, d'un simple arbre.

Je ne pourrais pas ici énumérer les centaines, que dis-je, les milliers de catégories de la population que vous représentez derrière vos vibrants écrans bleutés, mais il y en a au moins une autre que je voudrais encore solliciter. Je parle des hommes et femmes de responsabilités et d'institutions qui m'ont mis là ou je suis...excusez moi de vous déranger, mais vous aussi vous devez vous sentir concernés. D'abord parce que même si je vous dois tout, je crois que vous me devez aussi un peu, je participe d'une certaine manière à légitimer le bien fondé et l'efficacité de votre travail, et même si cela me rapporte énormément, cela me coûte un peu. Alors peut être pourriez vous m'esquisser un petit graffiti voire un schéma ? Soyons fou !

Bref, je compte sur vous et fais signe au passage aux philosophes, aux sociologues, aux aventuriers, aux curés, aux professeurs, aux boulangers, aux journalistes, aux révolutionnaires, aux musiciens, aux poètes, aux prostituées, aux banquiers, aux galéristes, aux sarkozistes (je ne me mouille pas c'est la majorité de la population française), aux inconnus (qui sont les bien venus), etc, etc.

Maintenant que le monde entier sans exception se sent concerné par mon affaire, je voudrais tout de même rendre hommage comme il se doit aux contributions qui me sont malgré tout parvenues.

La familia évidemment et indirectement mon deuxième plus beau chef d'oeuvre : Mathis, (après Léon, droit d'aînesse oblige), voici :




Et puis mon grand ami Charles Michaux, qui m'a fait part d'une idée excellente : "l'arbre-neurone", voilà :

Merci à eux, et aux futurs....

Cela dit, de mon côté, vous vous en doutez, je ne me suis pas tourné les pouces et si j'ai encore été muet quelques jours durant, ce n'est pas faute à la tourista qui ne m'a pas encore frappé (normal, je ne fais pas du tourisme!), c'est que je faisais l'hermite dans mon appartement préparant la maquette du projet. Voici donc l'esquisse qui s'amorce et qui me fais pâlir quand je pense à la tâche qui semble m'attendre...vous me direz :"on ne t'a pas forcé". C'est vrai. Rendez vous est pris pour le 2 Novembre avec la mairie de Douala 4 et la chefferie du quartier, après quoi, si tous les feux passent au vert, et si mes maigres moyens financiers me le permettent (à défaut d'arbre vous pouvez toujours m'envoyer vos dons), je passerai à la réalisation (digne d'Hercule), avec l'aide (peut être) de la population locale et des dieux. Inch'Allah !



Bien à vous...

Frédéric

samedi 27 octobre 2007

au fait...

J'oubliais juste de vous dire de lire le commentaire de notre mystérieux(e) anonyme, qui nous a encore gratifié d'une jolie contribution, merci.
Et puis pour ceux qui avait apprécié la dernière fois, le nouvel article de Lionel Manga dans le messager est sorti ce Jeudi ici : http://www.lemessager.net/details_articles.php?code=133&code_art=21174 il est un peu moins facile d'accès je trouve mais toujours aussi passionnant. Vous pourrez à présent prendre rendez vous et le suivre dans ses écrits tous les jeudi. Un livre est à paraître, je vous en reparlerais.

A+

Fred

Les photos

Bon ce sera un peu en vrac, mais l'interface capricieuse m'ennuie....
Voici les premiers croquis de l'arbre.
Ce dessin a été réalisé sur place par Albert, jeune homme que j'ai rencontré Jeudi, et qui a tenu à me dessiner de mémoire le grand baobab tel qu'il était avant sa chutte le 15 Septembre 1993.
Vous noterez son énorme bosse côté droit.

Voici des maquereaux en train d'être fumés par la dame en photo....plus loin.
Une photo prise dans la chaîne d'embouteillage de l'entreprise Socaver qui vraissemblablement va me fournir la matière première pour l'arbre.



Des montagnes de bouteilles, de quoi trouver mon bonheur, non ? Ils fournissent une grosse partie de l'Afrique, environ 15000 tonnes de verre par an !
Monsieur René Nyamé nous fait une visite de son quartier et nous explique la problématique de la construction sur sol marécageux, les populations allogènes (comme on dit ici), fraîchement arrivée ne prennent pas toujours correctement en compte les contraintes techniques d'un tel milieu. Chaque année, pendant la saison des pluie tout est innondé et les maisons s'enfoncent, alors on reconstruit dessus. Je ne sais pas expliquer pourquoi dans un tel milieu personne ne pratique le pilotis pourtant maîtrisé par beaucoup de société très différentes sur la planète..?
Cette maison ne mesure plus qu'un mètre cinquante sous plafond le reste est dans le marais.
Celle ci penche doucement.
La dame aux maquereaux.

Le grand danger de ce contexte marécageux : les petits enfants, parfois laissés sans surveillance par les parents partis travaillés, et qui ne se rendent pas compte du danger des eaux dormantes parfois recouvertes de végétation. Chaque année on déplore visiblement de nombreux noyés.

Vue depuis l'emplacement du grand baobab, vers le sud.
Vue depuis le grand baobab vers l'est.
Vue depuis le grand baobab vers le nord. Au premier plan et de gauche à droite : Pierre, Eric et Théodore, jeune prince.
Une photo retrouvée par René Nyamé chez un habitant (c'est lui qui tient la hâche), prise le jour où le grand baobab s'est écroulé, écrasant une partie de la maison, heureusement sans faire de victimes.
Mon jeune ami et guide dans mes déplacement, Achille Atina.


Le site du petit baobab à quelques dizaines de mètres du gros.

Le petit baobab pousse encore d'une seule branche, il est situé au milieu de la route, sur uine sorte de rond point, il m'a beaucoup moins inspiré et je n'ai pas retenu cet endroit.
Voilà le grand baobab, enfin ce qu'il en reste, un morceau de souche tenu par un poteau. Cette souche n'est plus enracinée.
Le grand baobab aujourd'hui.

Encore lui vu de dos !
Voilà les amis, j'attend vos contributions et- commentaires.....
Pour info, des fois que ça intéresserait quelqu'un, mon numéro de tel camerounais est le (002370) 99 12 37 44

vendredi 26 octobre 2007

Comment dire ? #2

La dernière fois que je vous ai parlé, je rentrais de Limbé, j'avais mangé des fruits, vu la mer et les pêcheurs, effleuré la cité. Depuis j'ai mangé d'autres fruits et suis entré d'avantage dans la ville, dans ses tourmentes, ses histoires, et ses nuits. Alors que la pleine lune grossit et que l'hémisphère Nord s'enfonce dans l'Octobre, je me baigne sous un palmier de Koumassi, face à la "cité des douanes". J'apprends à nager dans l'obscurité d'une banlieue de Douala, dans la petite piscine désertée d'une résidence pour blancs. C'est une sensation étrange, un mélange de calme et de tourmente, de décontraction et d'inquiétude, je le sais la pression augmente. Je brasse. Au loin, un orage gronde sur le nord de la ville et flash gentiment mon ciel découpant à contre jour des festons de palmiers. Je brasse.
A peine 500 mètres plus loin, dans le quartier de Bali, il y a une rue mythique appelée la Rue de la Joie. Personne n'appelle les rues par leur nom, souvent elles n'en ont pas, mais la Rue de la Joie, tout le monde la connaît. Nous sommes tous assis là sur le trottoir devant un circuit comme on dit ici pour désigner des petits bistrots de tôles et de bois. Au coin une 'mama' fait griller du poisson, à côté, une autre propose des brochettes de rognons, de tendons et de filet. Ils sont tous là autour de la table. Il y a Joseph Sumégné, Koko Komégné, Lionel Manga, la jolie Eva, Achille Atina, Paulin Tchuenbou, et Salifou Lindou que je rencontre enfin (rappelez vous de son projet : 'la tour de tôles'). La plupart d'entre eux sont des artistes confirmés et reconnus, de loin mes ainés en tout.

Cet été j'étais à Paris pour passer quelques jours de vacances en famille, et montrer pour la première fois les rues de la capitale à mes enfants. Nous sommes passés à Montmartre, devant le Bateau-Lavoir. Place du Tertre, une horde de touristes multicolores, des monod'oeils numériques décérébrés se pressent pour voir l'endroit qui a vu naître les plus grands. Les bistrots font leur possible pour paraître authentiques, les serveurs portent le canotier et les peintres du dimanche permanent jouent du couteau et soignent leurs croûtes purulentes sous l'oeil unique directement branché sur la moelle épinière des dits touristes au bulbe céphalorachidien absent.
Il n'y a plus rien à voir, ils sont tous partis ou morts, plus d'artistes, ni de guinguettes, plus de poésie ni de subtilités délicates, plus du charme des femmes et de leurs chansons, plus d'histoires de peintures à bouleverser le monde, plus de combat sur toile à perdre la raison, plus de bateau, plus de lavoir, plus de loyers que l'on règle en tableaux. Il n'y a plus rien ici qu'un troupeau d'abrutis et de pilleurs de tombes. De toutes façons il n'y a plus de place, et les vautours ont fait grimper les prix si hauts que les artistes, les vrais, ceux qui ont un coeur bien rouge qui pulse un sang épais dans les méandres de leur personne, ont fui là où leurs poumons peuvent encore prendre de larges lampées d'air ou de fumée selon leur bon vouloir.

A -Dites Monsieur Frédéric, est ce que vous êtes marié ?
B -Non, je vis en concubinage.
C -Le concubinage, !? c'est une escroquerie moderne, une façon de faire cuire ses pommes dans la poèle de l'autre. Il y a des règles et des lois qu'il faut respecter !
A -(qui monte de suite d'un ton et s'adressant au ciel) Je préfère et de loin quelqu'un qui vit en concubinage qu'un autre, hypocrite et marié qui passe son temps à courir ses maîtresses....etc., etc.

Je ne pensais pas qu'une phrase si anodine aurait pu si vite susciter une telle polémique, la discussion s'enflamme et chacun s'en mêle, ça parle fort, ça braille même, et on ne s'écoute plus, puis la discussion se fend en de petites causeries de droite et de gauche, la voix avertie de l'intellectuel, grave et douce recadre la problématique et c'est reparti de plus belle, voilà qu'elle se lève en hurlant, que l'autre la harangue, tâchant de préciser la vraie place de la femme, on le modère, mais là il est tombé sur un os... Au circuit d'à côté Marseille vient de mettre un but et la terrasse s'enflamme en hurlements. Les lointains mais fervents supporters lèvent leur chaise au dessus de leur tête et courent dans la rue en criant leur joie : au Cameroun on tient pour Marseille ! On m'apporte des brochettes, que je dévore en savourant la discussion passionnée. Achille commande un poisson que l'on partagera une demie heure plus tard, arrachant à la main des morceaux de sa chair... parfaitement délicieux ! On me raconte le quartier, plus loin une boite, un cabaret, qui était un haut lieu de Douala il n'y a pas bien longtemps encore, avant la dévaluation (2000), "depuis toutes les grosses boites ont fermé les temps sont durs"... Ils me racontent leurs exploits, leurs faits d'arme, fiers comme des coqs gonflés d'orgueil, des ego gros comme ça, j'adore les écouter, et gentiment, gentiment la pression augmente. Tout le monde est bienveillant, prend du temps et porte attention à moi, mais on me fait comprendre l'enjeu qu'il y a dans mon projet, c'est un peu comme un buff de la grande époque des débuts du jazz, ça va être mon solo, mais en face y'a Davis et Coltrane, je brasse, je brasse....

La dernière fois je vous disais que mon travail prenait des allures d'enquête, effectivement. Je suis maintenant en plein dans cette phase préparatoire qui donnera bientôt naissance au vrai projet. De manière simultanée je prospecte pour la matière et la faisabilité en compagnie d'Achille qui m'aide et me guide, j'apprends une ville, une histoire, une culture, un pays, je rencontre les gens, j'essaie de comprendre et d'intégrer les codes.
Mais ceux qui me connaissent comprendront : je crois qu'à mon habitude, et avec cette espèce de naïveté non préfabriquée, j'ai encore mis les pieds dans le plat, et les deux ! Je croyais utiliser une référence symbolique, je tape en plein dans la tradition, je remue des choses extrêmement délicates, et pour lesquelles la population est souvent très très passionnée. L'arbre à palabre fait références à des croyances et des rites malmenés mais encore très présents, il renvoi également à une construction particulière codifiée et hiérarchisée de la société traditionnelle monarchique. J'ai à faire à des rois, à des princes et des princesses, à des notables, à toute une organisation, devenue souterraine mais toujours là (plus d'infos ici : http://www.peuplesawa.com/fr/index.php).
A bonabéri les 3 arbres à palabres sont morts ou ont été déracinés, il y en avait trois. On me dit que le goudron des routes a gâté leurs racines, on me dit que jadis à partir de minuit plus aucun être humain n'entrait dans cet endroit, on me dit que lorsque les arbres sont tombés des notables sont morts le même jour ou peu de temps après...Racontards ? Légendes ésotériques ?
Putain, je crois bien qu'il va me falloir construire un arbre.... d'aucun ricaneront, disant qu'il n'y a là aucun intérêt artistique, aucune problématique contemporaine, que c'est au mieux de la déco de rond point, de l'artisanat policé...je n'en sais rien, je voulais m'émanciper du premier degré entrer dans une élaboration plus architecturale, moins réaliste, mais putain je crois qu'il va me falloir construire un arbre, et pas n'importe lequel, le grand baobab s'il vous plaît, l'arbre à palabre des grands chefs et des notables. Je sens déjà ses racines, la structure de son tronc, les ramifications de ses branches, les ramures de son feuillage. C'est comme si il poussait malgré moi, en moi.
Mais qu'est ce que c'est qu'un arbre ? Vous le savez vous ? Vous sauriez m'en dessiner un ? Vous sauriez comment fabriquer de vos mains le grand baobab en l'espace d'un mois ? Devoirs à la maison pour tout le monde : "dis, dessine moi un arbre"...
PS : c'est long....plus le temps de mettre les photos ce soir désolé, ce sera demain.
A bientôt
Frédéric

Joseph Sumégné

Je vous parlais la dernière fois d'une rencontre qui pourrait être intéressante entre Depoutot et Sumégné, voici quelques images du maître et de son oeuvre d'il y a 11 ans.

Il y a 11 années donc, Joseph avec le soutien de Doual'art, érigeait au rond point de Deïdo, sa "nouvelle liberté", sculpture monumentale de plus de 15 mètres de hauteur, fruit de 30 mois de travail et d'accumulation forcenée de matériaux de récup. Que n'avait il pas fait là ?
C'est un véritable soulèvement populaire auquel ils ont fait face à l'époque. Scandale de l'érection d'une telle oeuvre au bon milieu de l'espace public, fait par un artiste allogène, et constitué de rebus....on est loin de l'indifférence totale dont on fait preuve dans nos villes vis à vis des oeuvres publiques...

11 ans plus tard, l'oeuvre est entrée dans les moeurs et sert de point de repère dans la ville, l'artiste reprend donc son travail dans un contexte plus calme et achève ce qu'il n'avait pas fini à l'époque en vue de l'évènement SUD du mois de Décembre....

Je vous reparlerais de lui pour un autre travail, son chef d'oeuvre comme il dit : "les 9 notables", sur lequel il travaille depuis de nombreuses années et qui sera également exposé pour le SUD.





Mystérieux anonyme

Pour ceux qui ne liraient pas les commentaires, je tenais à rendre hommage ici aux mystérieux anonyme qui m'a laissé la dernière fois une contribution précieuse que voici.
Mais qui es-tu donc mystérieux anonyme ?
Le trésor du Baobab (Conte africain, Henri Gougaud, L’arbre aux trésors)
Un jour de grande chaleur, un lièvre fit halte dans l’ombre d’un baobab, s’assit sur son train et contemplant au loin la brousse bruissante sous le vent brûlant, il se sentit infiniment bien. "Baobab, pensa-t-il, comme ton ombre est fraîche et légère dans le brasier de midi !" Il leva le museau vers les branches puissantes. Les feuilles se mirent à frissonner d’aise, heureuses des pensées amicales qui montaient vers elles. Le lièvre rit, les voyant contentes. Il resta un moment béat, puis clignant de l’oeil et claquant de la langue, pris de malice joyeuse : « Certes ton ombre est bonne, dit-il. Assurément meilleure que ton fruit. Je ne veux pas médire, mais celui qui me pend au-dessus de la tête m’a tout l’air d’une outre d’eau tiède. Le baobab, dépité d’entendre ainsi douter de ses saveurs, après le compliment qui lui avait ouvert l’âme, se piqua au jeu. Il laissa tomber son fruit dans une touffe d’herbe. Le lièvre le flaira, le goûta, le trouva délicieux. Alors il le dévora, s’en pourlécha le museau, hocha la tête. Le grand arbre, impatient d’entendre son verdict, se retint de respirer. "Ton fruit est bon, admit le lièvre." Puis il sourit, repris par son allégresse taquine, et dit encore : "Assurément, il est meilleur que ton coeur. Pardonne ma franchise : ce coeur qui bat en toi me paraît plus dur qu’une pierre".Le baobab, entendant ces paroles, se sentit envahi par une émotion qu’il n’avait jamais connue. Offrir à ce petit être ses beautés les plus secrètes, Dieu du ciel, il le désirait, mais, tout à coup, quelle peur il avait de les dévoiler au grand jour ! Lentement, il entrouvrit son écorce. Alors apparurent des perles en colliers, des pagnes brodés, des sandales fines, des bijoux d’or. Toutes ces merveilles qui emplissaient le coeur du baobab se déversèrent à profusion devant le lièvre dont le museau frémit et les yeux s’éblouirent. "Merci, merci, tu es le meilleur et le plus bel arbre du monde," dit-il, riant comme un enfant comblé et ramassant fiévreusement le magnifique trésor.Il s’en revint chez lui, l’échine lourde de tous ces biens. Sa femme l’accueillit avec une joie bondissante. Elle déchargea à la hâte de son beau fardeau, revêtit pagnes et sandales, orna son cou de bijoux et sortit dans la brousse, impatiente de s’y faire admirer de ses compagnes. Elle rencontra une hyène. Cette charognarde, éblouie par les enviables richesses qui lui venaient devant, s’en fut aussitôt à la tanière du lièvre et lui demanda où il avait trouvé ces ornements superbes dont son épouse était vêtue. L’autre lui conta ce qu’il avait dit et fait, à l’ombre du baobab.La hyène y courut, les yeux allumés, avides des mêmes biens. Elle y joua le même jeu. Le baobab que la joie du lièvre avait grandement réjouie, à nouveau se plut à donner sa fraîcheur, puis la musique de son feuillage, puis la saveur de son fruit, enfin la beauté de son coeur. Mais, quand l’écorce se fendit, la hyène se jeta sur les merveilles comme sur une proie, et fouillant des griffes et des crocs les profondeurs du grand arbre pour en arracher plus encore, elle se mit à gronder : "Et, dans tes entrailles, qu’y a-t-il ? Je veux aussi dévorer tes entrailles ! Je veux tout de toi, jusqu’à tes racines ! Je veux tout, entends-tu ?"Le baobab, blessé, déchiré, pris d’effroi, aussitôt se referma sur ses trésors et la hyène insatisfaite et rageuse s’en retourna bredouille vers la forêt.Depuis ce jour, elle cherche désespérément d’illusoires jouissances dans les bêtes mortes qu’elle rencontre, sans jamais entendre la brise simple qui apaise l’esprit.Quant au baobab, il n’ouvre plus son coeur à personne. Il a peur. Il faut le comprendre : le mal qui lui fut fait est invisible, mais inguérissable.En vérité, le coeur des hommes est semblable à celui de cet arbre prodigieux : empli de richesses et de bienfaits. Pourquoi s’ouvre-t-il si petitement quand il s’ouvre ? De quelle hyène se souvient-il ?

23 oct. 2007 16:51:00

lundi 22 octobre 2007

Le grand baobab

Bonjour à tous,
Tout d'abord merci à vous de suivre l'aventure, ça fait vraiment plaisir de sentir qu'il y a du suivi de votre côté et que vous laissez des commentaires, génial ! , continuez et répendez l'info, ça donne du sens à la démarche.
Ensuite, je voulais simplement ajouter qu'il vous faudra parfois faire preuve de patience, parce que la mise à jour du blog est souvent une manip un peu longue, que je n'ai pas l'accès internet depuis mon appartement, donc je dépend d'autres contingences, et puis je n'aurai pas toujours quelque chose à dire, donc il faudra parfois simplement me laisser le temps de vivre les choses.
Pour l'heure, je suis assis derrière la bécanne et j'ai un peu de temps, après une journée assez remplie, donc j'en profite pour placer un petit mot parce qu'il y a du nouveau.
Je me suis enfin, pour la première fois depuis mon arrivée, rendu sur le site de ma future intervention, Bonabéri au Nord Ouest de la ville, (http://www.carnets-voyage.com/cameroun-carte-douala-2004.jpg), pour ceux qui aiment les précisions géographiques. J'ai donc vu 2 endroits potentiels : le petit et le grand Baobab, enfin ce qu'il en reste parce que les deux arbres sont tombés il y a longtemps, et il n'en subsiste que de tristes restes. Avec leur chutte, la tradition de l'arbre à palabre a quasiement disparue dans cette partie de la ville que certains revendiquent comme étant le coeur du véritable Douala....les avis ne sont pas unanimes comme toujours. Bon, bon, je pensais avoir lke temps pour exposer un peu plus la situation mais Doual'art ferme et on m'attend pour stopper la machine, je vous laisse donc un peu de suspens, et vous dit à très bientôt pour la suite de cette histoire qui prend depuis aujourd'hui des allures d'enquête.
>f.

dimanche 21 octobre 2007

Chez Joseph Tonleu

Koko Komégné
Koko avec Lionel Manga (au milieu) et un ouvrier de Joseph Tonleu
Joseph Tonleu

Arman Mekoa monte son expo






Comment dire ?

Il n'aura pas fallu bien longtemps pour que la croûte ne se fissure. En l'espace de 3 jours la gangue de nacre protectrice méthodiquement accumulée par couches successives durant les 33 premières années de mon existence, européennement, françaisement, religieusement lisse, n'aura pas résisté à la puissance de l'environnement local, à son implantation en terre ancienne. Non pas qu'il y ait ici une violence particulière qui m'aurait asséné un méchant coup dès mon arrivée à l'aéroport, fracassant d'un geste mon bagage culturel, et confirmant les inquiétudes et mises en garde d'avant départ. Mais plutôt que la contingence, ici à Douala, de la richesse d'une terre, des gens qui la peuplent, et d'un climat tout équatorial, est propice et suffisante pour faire germer n'importe quoi.
Pourtant je le jure, j'ai tenté de résister, me crispant fermement sur les poignées de certitudes, m'armant tout de go de ma méfiance la plus hermétique...mais de l'intérieur est venue une vibration, une voix grave, un frisson d'infra-basse. (Non je n'ai pas encore eu de crise de palu, il y a moins de moustiques ici qu'en Lettonie !). L'émail est très dur mais il pète sous l'effet de certaines fréquences, et part en écailles laissant entrer ce qu'il faut d'air et de lumière pour que le germe sorte. Ce que j'essaye de dire vous le comprendriez tout de suite si vous pouviez comme moi comparer votre petit ficus hollandais en pot, vert fluo, acheté chez Ikea avec ceux qui poussent majestueusement ici, en liberté dans la mangrove.
La ville, le pays, je m'hasarderais à dire le continent : l'Afrique, est le lieu où s'expriment les humeurs du corps, les humeurs de l'homme. Par pitié résistez au réflexe pavlovien, qui vous ferait instantanément, à la lecture de cette phrase, monter aux narines une odeur pestilentielle, et au fond de la gorge l'amorce du haut le coeur, les humeurs du corps ne se limitent pas à la merde !
Je parle de substances à la composition moléculaire d'une rare complexité, de cocktails d'informations organiques directement adressés aux sens, et que les sens comprennent lorsque l'on a pris soin de les mettre sur la position "on". Je parle de liqueurs biochimiques qu'aucun ordinateur, si puissant soit-il, n'aura jamais le moyen de résumer en suites numériques. Je parle de concentrations de phéromones si essentielles qu'elles vous ramènent à votre préhistoire par un miracle que la mécanique de la raison ne parvient pas à m'expliquer.
Connaissez vous le goût de la tomate, de la banane ou de l'orange ? Savez vous décrypter l'odeur d'une peau, le relief d'un visage, la profondeur d'un regard ? Avez vous déjà caressé la fibre d'un morceau de bois, le tissé d'une étoffe ? Je me dis que chaque être humain devrait faire un stage en Afrique pour y apprendre ces choses qui semblent avoir ici une profondeur incomparables.

Depuis que je suis arrivé au Cameroun j'ai d'abord vu des mouches d'aéroport, pas méchantes mais pénibles, à qui l'on avait pas expliqué que l'argent n'a pas d'odeur et qui s'agglutinaient sur le mirage de l'or blanc, en vain ou presque.
Dans ce lieu de l'Internationnal j'ai vu le carnaval de l'uniforme, ou les panoplies sont bradées mais où sans conteste l'habit fait le moine.
J'ai recontré et partagé le repas d'un couple princier dans leur palais de rèves, d'histoires et de cultures, en savourant le concert inédit de Miles Davis en buff avec mon premier orage nocturne. J'ai vu l'Histoire qu'ils sont en train d'écrire, un puzzle raccommodé avec patience et ténacité pour que les enfants sachent d'où ils sont venus et gardent leur fierté.
J'ai vu dans leur jardin une foule de gros escargots coprophages se rendre au vernissage d'une exposition de sculptures permanentes.
Dans ce même lieu, je me suis dit qu'il faudrait absolument organiser la rencontre de Depoutot et de Sumégné.
J'ai suis resté au chevet d'une blatte agonisante qui m'a dit le prix de la vie. Au petit matin la mort n'avait toujours pas eu le dessus.
J'ai parcouru 6000 miles pour venir savourer une bonne Mutzig fraîche comme la banquise, exclusivité Camerounaise brassée à Douala s'il vous plaît.
J'ai senti la couleur de ma peau et compris l'injustice d'être à tout jamais l'étranger.
J'ai été agacé, plusieurs heures durant, par un petit morceau de zébu bien coincé entre mes dents.
J'ai assisté à mon premier vernissage à Doual'art et écouté avec intérêt les problématiques de l'artiste, Arman Mekoa.
J'ai rencontré un intellectuel orfèvre des mots : Lionel Manga, séduisant séducteur, redoutable penseur que le temps ne semble pas atteindre.
J'ai vu le mont Cameroun, le nez dans le coton qui sniffait les nuages.
J'ai vu une forêt d'hévéas bien peignée, avec la raie au milieu et les petits gobelets en bandoulière. Je me suis rendu à Limbé en compagnie de Philippe Naegel et j'ai compris 2 choses en dansant au relief de la chaussée : il est des régions où il est stupide de faire des routes en bitumes, et il est des coins du monde où rouler en 4X4 a un sens.
J'ai pris racine pendant plusieurs heures, sans bouger, sur une plage au bon milieu d'un village de pêcheur, tâche blanche perdue sur le sable noir de Limbé. Là, j'ai vu des enfants qui n'ont pas besoin d'associer leur nom à une marque de hamburger pour être les plus grands joueurs de football de la planète. Même le ballon n'avait plus d'air !
J'ai vu la fumée s'élever au même moment de toutes les maisons du village, et donner au passage son goût au poisson. J'ai vu le ballet de jeunes hommes tirant de lourdes charrettes remplies de bois et traversant un bras de mer comme si de rien était, pour alimenter les foyers. J'ai entendu le chant des hommes à l'ouvrage en fond de cale.
J'ai vu pour la première fois un pêcheur lancer son filet et celui ci se déployer avec la grâce d'une méduse.
J'ai suscité la curiosité...et le dialogue est venu en gant et bottes de caoutchouc, rencontre du troisième type, un pêcheur celui là, ensemble et en anglais nous avons philosophé, qui l'eût cru ? Je n'ai pas pu m'empêcher d'être envahi de tristesse en pensant à l'arrivée prochaine et vivement souhaitée de hordes de touristes cannibales dont je ne représente que l'avant goût discret. J'ai cru voir le village de pêcheur rasé par le gros promoteur du futur Holliday Inn, c'est vraiment ça l'espoir pour ces gens ? J'ai retrouvé le sourire en voyant sous mes yeux jaillir, entre deux maisons d'un marron bois et tôles, une grappe de petits écoliers bleu roi qui se déversait sagement et harmonieusement, comme de l'eau dans la perspective de mon paysage. J'ai vu l'espoir, j'ai compris le combat de Marilyn et de Didier. J'ai vu de loin la vie qui coulait en eux et la couleur bleue, éclatante de vérité m'a fait monter au nez les vapeurs d'huile et de térébenthine. Je n'ai pu prendre aucune photo de ce que je vous raconte, ce que je vous donne là, je ne l'ai pas volé.
Sur le chemin du retour nous nous sommes arrêtés au bord de la route où j'ai goûté ma première orange verte chauffée au soleil. Puis à 16h00 nous nous sommes rendu en taxi à l'autre bout de Douala, chez Tonleu le ferronier, le meilleur m'a t-on dit, avec Achille, Lionel ,et l'artiste Koko Komégné pour y voir son oeuvre presque achevée. L'émotion était palpable, j'ai adoré. Ils ont palabré et se sont entendus, nous avons ensuite partagé une bière ou deux en mangeant des cacahouètes et des prunes, fruit étrange, doux-amer, braisé au feu qui ressemble à une petite pomme de terre violette et qui possède un noyau énorme, je ne peux pas dire que j'ai adoré mais j'ai senti en écoutant Lionel que cet oléagineux me ferait le plus grand bien...effectivement. Nous avons parlé politique, j'ai beaucoup écouté, il y avait de la sagesse dans leurs paroles. Nous avons évoqué gravement la tragédie de l'attentat pakistanais contre Benazir Bhutto. Nous avons ri à gorges déployées en parlant de Sarkozy petit président de 6 mois de pouvoir pas même capable de garder sa femme, (anecdote qui prend beaucoup de sens par ici).
Dans le taxi du retour j'ai assisté à un couché de soleil à la luminosité étrange changeant les rouge et les orange en fluo, le tout au bon milieu d'un embouteillage monstre mélangeant, dans un quartier d'échoppes et de marchés, sur une piste défoncée, piétons, motos et voitures, dans une harmonie sans code de la route, n'obéissant qu'à la dynamique des fluides, ça marche pas mal ! Le soir venu j'ai assisté à mon premier concert au CCF (centre culturel français), et j'ai été transporté par la voix et la sincérité superbe de Danielle Eog et de ses musiciens.
Ma mission ici s'annonce difficile mais passionnante, je n'ai pas encore vu le site de mon intervention, et tout reste à découvrir. Il m'aura quand même fallu 2 jours pour en digérer 3 et vous les retranscrire, ce qui explique ce silence sur la toile depuis mon arrivée. Un dicton dit ici : "L'homme blanc possède la montre, l'africain le temps", je ne suis pas africain mais je n'ai jamais eu de montre. Merci de votre patience, merci d'apporter vos commentaires, et merci de faire circuler l'info, pardon pour les fautes .

A bientôt

Frédéric

mercredi 17 octobre 2007

C'est parti !!!

Ca y est ça décolle : le départ est pour bientôt, mes sacs sont enfin bouclés et il ne reste qu' à s'envoler.

Sur ce petit blog vous pourrez suivre mon travail en quasi simultané, j'essayerai d'y mettre des photos, des films, et des textes, quasi quotidiennement suivant mon emploi du temps, l'avancée de mon travail, les rencontres et....la santé.
Vous pouvez lire ci-dessous, le texte que j'avais rédigé pour la constitution du dossier, et vous pourrez vous rendre compte en direct de la confrontation entre les intentions de départ et l'histoire qui s'écrit réellement.

Je vous encourage plus que vivement à me laisser des commentaires, remarques ou réflexions, qui peuvent parfois apporter la "vue de l'extérieur" nécessaire pour faire avancer les choses ou parfois un simple réconfort.

(PS: pour laisser un commentaire, si vous ne voulez pas ouvrir un compte gmail, il vous suffira de cliquer sur le bouton "anonyme", ce qui ne vous empêche surtout pas de signer à la fin).

A bientôt donc.

mardi 9 octobre 2007

Le projet

Le projet que j’entends proposer pour cette résidence à Douala est avant tout un processus. Il s’appuie d’avantage sur une démarche particulière et une envie de découverte que sur l’image d’un résultat. Comme un projet d’architecture, il sera le fruit d’une gestation in situ, et non une réponse préfabriquée et transposée en terre inconnue.

1) « Le bidonville »

Dans tous les projets que j’ai cités en référence, l’idée première est de tendre vers une architecture et un art adaptés à la réalité urbaine du monde d’aujourd’hui en y intégrant les notions de légèreté, de mobilité et d’extrême adaptabilité.
Les « bidonvilles », les « shanty towns », quartiers spontanés regroupant des populations pauvres dans des logements autoconstruits, répondent exactement aux mêmes préoccupations. Cette architecture, peut être non désirée, n’en est certainement pas moins vraie et elle représente à mes yeux la proposition la plus audacieuse et finalement la plus efficace de l’urbanisme contemporain.
Le premier travail que j’aimerais mener à Douala consiste en une observation minutieuse, un relevé attentionné des quartiers populaires autoconstruits.
Il s’agira pour moi d’apprendre l’intelligence simple de la construction, les méthodes d’occupation d’un espace vécu à 100%, les astuces de la récupération des matériaux, les nouvelles programmatiques du logement, les mécanismes sociaux, la place de l’individu et les rapports du public/privé.
Cette première phase de la démarche est délicate car elle me demande d’effectuer une intrusion dans un milieu dont je ne connais pas les codes.
Pour avoir tenté d’aborder un travail similaire à Bucarest, je sais qu’il n’est pas facile de déambuler librement dans ces quartiers denses et il me faudra sans aucun doute être accompagné, introduit par une personne référente et avertie.
Les relevés se feront par prises de croquis, d’images ou de sons, par observation et discussion, par rencontres.


2) « L’arbre à palabre »

« palabre : en Afrique, assemblée où se discutent les problèmes de la communauté.

Directement liée à la tradition orale, la palabre (ou Mbongui) est un acte social que le Camerounais (ainsi que la plupart des Africains) se doit de maîtriser autant qu'un art. La palabre joue un rôle important dans la vie sociale et se déroule le plus souvent sous un arbre à feuillage. Les Anciens du village se réunissent sous l'arbre à palabres lorsqu'il faut se consulter pour prendre une décision. Si un problème surgit dans le village, les réunions sous l'arbre sont annoncées au moyen d'un tam-tam ou un jour de marché, de sorte que tout le monde puisse participer à la discussion. Dans la vie quotidienne, et particulièrement dans les villes, tous les prétextes sont bons pour entamer des palabres. Ces discussions donnent lieu à des scènes épiques où chacun s'exprime haut et fort, prenant à témoin les personnes de passage ».

L’arbre à palabre représente pour moi la tradition perdue de nos villes occidentales, la place publique, l’endroit de la ville où l’on se rencontre, où l’on se confronte, où l’on s’exprime, où l’on échange.
L’arbre à palabre, c’est la possible compatibilité à Douala, de tant d’ethnies et de tant de religions différentes sur un même territoire.
L’arbre à palabre symbolise à la fois un programme, un espace et un abri.
L’arbre à palabre incarne ce moment du processus dans le déroulement de la résidence, où j’aurai établi, grâce à mes premières investigations, un lieu d’intervention, un programme et une méthode de construction.
A l’instar du travail remarquable de Salifou Lindou, mon projet est un projet urbain, de construction, plastique et architecturale, qui devra d’abord reconnaître sa place et son sens dans le contexte particulier du cœur de Douala.
L’arbre à palabre représente aussi le rêve d’aider à faire sortir de cette terre la manifestation concrète, bâtie, de l’entente et du dialogue entre les peuples.

3) « Le rêve »

(C’est un rêve parce que rien encore ne me permet d’en distinguer la netteté des contours, et que seul le rapport au sol pourra le faire devenir réalité).

Une graine de tôle est tombée dans la poussière rouge de la terre.
La saison des pluies l’a fait germer de rouille.
Un arbre métallique a maintenant poussé.
Fin mais puissant il a tissé ses racines et élancé ses branches pour fabriquer un réseau, un espace.
Un abri pour les hommes, un lieu de discussion et d’échanges, de réflexion et de méditation.
Une construction sans porte, toute ouverte sur le monde.
Ici, pas de courants d’airs, ni de querelles de clochers.
Ici c’est l’Afrique, terre des hommes libérés.
Déjà les ramures se sont recouvertes d’une floraison plastique.
L’émail et le verre cisèlent la lumière en des reflets bleutés.
Ils sont tous là, représentés.
Ils se tiennent debout sous l’arbre qu’ils ont planté.

Logistique.

-Pour mener à bien mon projet, j’aurais besoin, comme je l’ai dit plus haut, d’un véritable guide, qui puisse me diriger et m’expliquer, au moins dans le premiers temps de la résidence, les clés de la ville de Douala. Cette (ou ces) personne(s), me permettront notamment d’accéder aux quartiers autoconstruits dans de bonnes conditions pour y réaliser la première étape primordiale de mon travail. Durée : 2 à 3 semaines.
-Lorsque la phase dite « de l’arbre à palabre » sera venue, et qu’en accord avec l’équipe d’organisation nous aurons déterminé un lieu et une méthode de construction, la production commencera.
-La phase de construction pourra être collective, partagée avec la population ou avec d’autres artistes, et ce, en fonction des liens qui seront nés ou pas de la phase préparatoire.
-Mon matériau de prédilection est le métal, j’aimerai donc, dans la mesure du possible, pouvoir le travailler sur place ce qui signifie un minimum d’outillage (disqueuse, poste à souder à l’arc, pinces, marteaux). Cependant je suis conscient du fait que les conditions sur place ne permettent peut être pas de disposer d’un tel matériel. Aussi j’envisage parfaitement de travailler avec du bois ou n’importe quoi d’autre. Mon travail s’est depuis toujours adapté aux contraintes et à l’idée de récupération, j’ai adopté depuis longtemps la philosophie du ‘faire avec’.
- Dans le même ordre d’idée, je souhaiterai pouvoir utiliser la technique que j’ai élaborée pour la constitution de toile de vitrail en verre et silicone. Je dispose actuellement d’un important stock de verre de couleur bleue et de silicone de bonne qualité. Il ne me sera évidemment pas possible de transporter ce matériel dans l’avion, c’est pourquoi j’envisage, après discussion avec l’équipe d’accueil, de voir si il est possible de faire acheminer sur place 200 ou 300 kilos de matériel. Si tel était le cas, je pourrais également envisager de ramener mon propre outillage.
Encore une fois je prend en compte l’éventualité que rien de tout cela ne soit possible et donc de faire tout autrement.
Durée du chantier : 4 semaines.